En accès libre Portrait Sept choses à savoir sur le leader populiste du FPÖ, qualifié de « danger » pour la sécurité nationale par ses adversaires. Son parti, le FPÖ (« Parti de la liberté »), n’est pas assuré de pouvoir diriger le prochain gouvernement. Mais pour l’heure, son pari de la radicalité s’avère gagnant : avec 29 % des voix, Herbert Kickl, leader de l’extrême droite autrichienne, a signé un succès historique aux législatives dimanche 29 septembre. Voici sept choses à savoir sur la tête pensante du nationalisme autrichien, longtemps resté dans l’ombre. « Savourez ce résultat. C’est un morceau d’histoire que nous avons écrit ensemble aujourd’hui », a lancé le chef du FPÖ, 55 ans, à ses partisans réunis à Vienne. « Ce que nous avons accompli dépasse mes rêves les plus fous ». Avec 28,8 % des suffrages, le parti historique de l’extrême droite autrichienne effectue un bond de près de 13 points par rapport au scrutin de 2019, et obtient son meilleur résultat depuis 1945. A lire aussi Pour autant, le pouvoir n’est pas encore à portée de main pour Herbert Kickl, si radical qu’aucun parti ne veut négocier avec lui. « Nous tendons la main à tous les partis », a-t-il déclaré dimanche, regrettant que ses électeurs soient traités comme « des citoyens de second rang ». Malgré une chute de plus de dix points par rapport à 2019, le grand parti de droite ÖVP, au pouvoir depuis 1987, garde de bonnes chances de conserver la chancellerie. Mais avec quels partenaires ? L’actuel chancelier, Karl Nehammer, répète qu’il ne veut pas s’allier avec Herbert Kickl, qu’il a qualifié de « danger pour la sécurité nationale ». Il serait prêt à une éventuelle coalition avec son mouvement, comme en 2000 et 2017, à condition que Kickl n’en fasse cette fois pas partie. Proche de certains groupuscules décriés, le FPÖ a été fondé en 1955 par d’anciens nazis. Son premier dirigeant est Anton Reinthaller, un ex-général SS, ministre de l’Agriculture sous le IIIe Reich. Pendant ses premières décennies d’histoire, le parti exalte d’abord l’identité allemande avant d’effectuer un revirement identitaire dans les années 1990 et d’adopter un discours patriotique autrichien, sous l’impulsion du populiste charismatique Jörg Haider. Historiquement anticlérical, il a récupéré sur le tard les valeurs chrétiennes pour les opposer à celles de l’islam. A lire aussi Aujourd’hui, Herbert Kickl veut, au pays natal d’Adolf Hitler, se faire appeler comme lui « Volkskanzler » (chancelier du peuple). Il a également repris à son compte le terme de « remigration » cher à Eric Zemmour, avec comme projet de déchoir de leur nationalité et d’expulser les Autrichiens d’origine étrangère qui « s’attaquent à nos valeurs ». En 2023, il pose en tenue paramilitaire sur des affiches avec le slogan « Autriche forteresse - frontières fermées, sécurité garantie ». Certains de ses candidats vont jusqu’à évoquer le renvoi dans leur pays d’origine des « écoliers qui manquent de respect » à leurs professeurs, ou des simples « racailles ». D’origine modeste, Herbert Kickl est fils d’ouvriers, né en Carinthie, région montagneuse du sud de l’Autriche devenue le bastion du FPÖ. Il part étudier la philosophie et l’histoire à Vienne et l’un de ses camarades le fait entrer à l’académie politique du parti. Jörg Haider, qui vient lui aussi de Carinthie, le remarque et lui confie la rédaction de ses discours. Herbert Kickl abandonne ses études et fera toute sa carrière au sein du FPÖ, éminence grise à l’ombre de Haider, qui meurt brutalement en 2008 dans un accident de voiture, puis de son successeur Heinz-Christian Strache, dont il devient également la plume. Surdoué du marketing politique, il invente le slogan « Daham statt Islam » (la patrie plutôt que l’islam) qui marque les esprits en Autriche. Dès 2018, l’auteur antifasciste Hans-Henning Scharsach voit en lui « probablement le démagogue politique le plus talentueux que l’Autriche ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale ». Herbert Kickl a pour habitude de dire que la politique outrepasse le droit. Ministre de l’Intérieur de 2017 à 2019, il a franchi toutes les lignes rouges en faisant perquisitionner le siège des services secrets autrichiens afin de mettre la main sur des documents concernant son parti. L’initiative, qui avait durablement déstabilisé les renseignements autrichiens, avait entraîné un boycott généralisé des autres services occidentaux. En 2019, le FPÖ traverse un retentissant scandale de corruption, appelé « Ibizagate », qui provoque la chute de Heinz-Christian Strache, devenu vice-chancelier. Dans une vidéo filmée en caméra cachée à Ibiza, on le voit proposer des marchés publics à une femme se faisant passer pour la nièce d’un oligarque russe, en échange d’un soutien électoral. Il sera condamné pour corruption. Le scandale précipite l’avènement de Herbert Kickl. En 2021, il est élu président du FPÖ et le parti remonte la pente de façon spectaculaire. En pleine pandémie de Covid-19, Kickl prend conscience du fort scepticisme vaccinal qui traverse la société autrichienne, et va se saisir de ces peurs. En prônant l’usage de l’ivermectine, une molécule antiparasite, pour combattre le coronavirus, il propage ses idées radicales sur la scène complotiste de l’Internet germanophone, et participe à plusieurs manifestations antivax. Alors que la Russie envahit l’Ukraine, il dénonce les sanctions contre Moscou, s’oppose à l’accueil de réfugiés ukrainiens et profite du contexte d’inflation pour multiplier les prises de parole populistes. A lire aussi Randonneur et marathonien, Herbert Kickl a déjà couru l’Ironman, cette épreuve mythique de 226 kilomètres. Avec ses petites lunettes rondes, ses cheveux poivre et sel, et sa barbe de trois jours, son look ascétique et l’absence d’excès ou de scandales dans sa vie privée soignent son image auprès de l’électorat autrichien. Une image soignée qui contraste fortement avec le ton qu’il emploie lors de ses discours : celui qui aime être surnommé le « Orban autrichien » choisit volontiers un registre outrancier et ordurier. Il n’hésite pas à qualifier de « tiques », de « détraqueurs » ou de « cannibales intellectuels » ses adversaires de gauche, à dépeindre une élue écolo en « dominatrice SM » et à traiter le président de « momie sénile ». Il fuit en revanche comme la peste les médias traditionnels. Lors de la campagne, il n’a parlé qu’à la WebTV complotiste AUF1, le 14 septembre, pendant près d’une heure. Sur ce média, relais des thèses antivax, prorusses et anti-immigration, il s’en est donné à cœur joie. 1 - « Historique »
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3 - A l’ombre de Haider
4 - Mépris des règles
5 - Ibizagate
6 - Conspi
7 - Ascète