Des milliers de bâtiments dorénavant situés en zone inondable dans la région de Montréal

Des milliers de bâtiments dorénavant situés en zone inondable dans la région de Montréal

Des maires de la région de Montréal ont du mal à digérer les nouvelles règles imposées par le gouvernement du Québec qui feront doubler le nombre de résidences situées en zone inondable. D’autant qu’ils se sentent laissés à eux-mêmes, obligés d’expliquer aux citoyens les conséquences d’un projet qu’ils ne contrôlent pas.

« Quand on a pris connaissance du projet de règlement [du gouvernement du Québec], on était abasourdis », admet le maire de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, François Robillard. « Du jour au lendemain, on a 2000 résidences qui, avec le nouveau règlement, passent d’une zone non inondable à une zone inondable. C’est un enjeu financier majeur pour les citoyens qui sont touchés directement ou indirectement. »

Lundi, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a dévoilé sa nouvelle cartographie des zones inondables, réalisée en vertu de la modernisation du cadre réglementaire québécois de juin dernier. Les règles établies par le gouvernement du Québec font doubler le nombre de résidences de la région métropolitaine se trouvant désormais dans des zones à risque d’inondation ; on estime maintenant que 15 508 bâtiments y sont situés.

Ces nouvelles règles introduisent aussi un nouveau système de désignation des zones. Auparavant, on établissait les zones inondables en fonction de la récurrence des inondations, soit 0-20 ans (grand courant) et 20-100 ans (faible courant). Elles sont dorénavant désignées en fonction de leur exposition aux inondations — très élevée, élevée, modérée ou faible —, avec des couleurs allant du rouge intense au jaune.

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Le cas Sainte-Marthe-sur-le-Lac

À Sainte-Marthe-sur-le-Lac, l’impact est majeur. La municipalité durement touchée par le bris de sa digue en 2019 se retrouve maintenant en zone inondable alors que seulement quelques bâtiments de la ville ne l’étaient auparavant.

Grâce à cette digue, la ville est colorée de jaune sur la carte — qui signale une exposition faible aux inondations — plutôt qu’en rouge. Mais cela ne satisfait pas le maire Robillard, qui juge que sa municipalité est bien protégée par la nouvelle digue et ne devrait pas avoir le même statut qu’une ville dépourvue d’une telle infrastructure. « On est conscient que le risque zéro n’existe pas, mais il y a plein de façons de réduire le risque au plus bas », ajoute-t-il, en évoquant comme exemple l’élaboration de plans de réduction des risques, ce qui n’est même pas autorisé pour l’instant.

Je suis fâché. C’est une façon complètement inhumaine de gérer la situation. Ils auraient dû laisser ça aux municipalités.

L’élu rappelle qu’à la suite des inondations de 2019, qui avaient entraîné l’évacuation de 6000 résidents, Québec avait permis par décret aux propriétaires de reconstruire leurs demeures sans restrictions et avait participé au financement de la reconstruction de la digue. « Ça fait en sorte qu’aujourd’hui, on a investi 55 millions dans un ouvrage de protection contre les inondations qui fait tout le front du lac des Deux-Montagnes et est à 26,5 mètres au-dessus du niveau de la mer. Et là, quatre ans et demi plus tard, on se retrouve à dire à ces gens-là qu’ils sont maintenant en zone inondable. »

En plus des contrecoups attendus sur les primes d’assurance, les prêts hypothécaires et le coût de tout chantier immobilier (en raison des exigences rehaussées), le maire Robillard craint une baisse de la valeur des résidences nouvellement situées en zone inondable — ce qui toucherait non seulement les propriétaires de ces bâtiments, mais aussi les autres, qui risquent de devoir compenser la baisse de revenus fonciers causée par ces changements.

Une gestion « inhumaine » ?

« Je suis fâché », lance pour sa part le maire de Vaudreuil-Dorion, Guy Pilon, au bout du fil. « C’est une façon complètement inhumaine de gérer la situation. Ils auraient dû laisser ça aux municipalités. Et on aurait fait des règlements en conséquence. Et le gouvernement se serait retiré de là complètement. » Dans sa ville, la proportion de bâtiments situés en zone inondable est passée de 1,3 % à 9,7 %, pour un total de 2085 résidences (dont 35 en zone d’exposition très élevée) et une valeur foncière totale de près de 1,2 milliard de dollars.

Selon le maire Pilon, Québec a cherché à régler le problème sans réellement se soucier des conséquences économiques et psychologiques de sa décision sur les personnes touchées.

Les appréhensions des citoyens sont réelles, estime pour sa part la mairesse de Pointe-Calumet, Sonia Fontaine. « Les craintes, évidemment, sont surtout sur le marché de la revente. Il y a une perte financière importante qui serait faite si le territoire dans son entièreté [était désigné] inondable. Perte de [valeur de] revente, de l’assurabilité des maisons et du financement hypothécaire des propriétés en zone inondable. Ça devient très difficile, contrairement à ce que le gouvernement laisse entendre présentement. »

Les maires en veulent aussi au gouvernement provincial de laisser aux municipalités le soin de répondre aux préoccupations des gens, même si le dossier relève de Québec. Car ce sont eux qui sont sur le terrain et qui, lors des conseils municipaux, doivent répondre aux questions des citoyens, disent-ils.

Québec a organisé trois webinaires cet été, mais les efforts du gouvernement pour informer les citoyens du nouveau projet de règlement se sont limités à cette initiative, soutient le maire de Sainte-Marthe-sur-le-Lac. « Une consultation en plein été, ça n’aide pas. […] On est pris pour répondre aux questions des citoyens, alors qu’on n’a pas toute l’information », déplore François Robillard. « Bon nombre de citoyens n’ont pas encore pris conscience de l’ampleur que ce règlement aura sur leur quotidien et leur territoire. »

Plusieurs villes ont mis en place des opérations de porte-à-porte pour tenir leurs citoyens au courant des conséquences de ces changements. Mais même pour les représentants municipaux, le dossier reste complexe.

Le maire de Vaudreuil-Dorion déplore aussi l’absence du gouvernement du Québec sur le terrain. « Je mets au défi le ministre de l’Environnement, celui qui a décrété ça, de venir dans une soirée de consultation ici dans la ville, dans la région. Il aura besoin d’avoir une maudite grande salle. Puis là, il va voir c’est quoi », dit Guy Pilon.

À Laval, le nombre de résidences en zone inondable passera de 1100 à près de 2500. Le maire de la ville, Stéphane Boyer, et la CMM demandent par ailleurs à Québec d’aller à la rencontre des citoyens pour leur expliquer le nouveau règlement. « On pense que c’est le gouvernement du Québec qui devrait faire ce travail-là, mais on ne veut pas laisser les citoyens devant l’inconnu », affirme l’élu.

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