Au pays du coq, le poulet bat de l’aile. «La France a perdu sa souveraineté alimentaire en matière de volaille. Les importations soutiennent désormais notre consommation», pestait Philippe Gélin, le président de LDC, leader du secteur, auditionné, début mai, par la commission d’enquête sur la souveraineté alimentaire. La filière est devenue l’un des symboles de cet enjeu stratégique. Faute de s’être engagée dans la course à l’agrandissement des élevages et dotée d’un outil industriel réputé moins moderne que celui de ses concurrents européens, elle subit une perte de compétitivité.
Paul Lopez, l’ex-président de la Fédération des industries avicoles (FIA) et ancien de LDC, explique cette lente érosion en ces termes : «La spécificité française est d’avoir des gammes très larges et un nombre d’espèces important. À l’inverse, nos concurrents ont su créer une filière compétitive sur le poulet standard en simplifiant leurs gammes. Résultat, il y a un écart de compétitivité majeur sur les produits d’entrée et de milieu de gamme.»
Dans son usine de Sablé-sur-Sarthe (Sarthe), LDC, s’il effectue des regroupements de produits pour plusieurs de ses sites, traite «1000 références», indiquait en début d’année Dylan Chevalier, son directeur RSE. Un chiffre très élevé pour l’agroalimentaire. Le géant français de la volaille n’envisage pas pour autant de réduire ce nombre de références : la multiplicité de produits lui assure une place de choix dans les linéaires de la grande distribution.
Trop de références freine la robotisation
Cela représente néanmoins un frein à la robotisation des abattoirs. «Plusieurs pièces, c’est plusieurs machines et donc des besoins de surinvestissements en équipements pour des taux d’utilisation moindres», affirme Arnaud Poupart-Lafarge, le directeur général de Galliance. Bien décidé à grignoter des parts de marché, le pôle volaille de Terrana a choisi de se «limiter à trois ou quatre plannings différents par usine», précise Arnaud Poupard-Lafarge.
Le dirigeant est confiant. «Les abattoirs en Allemagne ou aux Pays-Bas ont de très bonnes performances et compensent le différentiel de coût avec la Pologne par de la robotique, au prix d’une standardisation des gammes. Dans le cadre communautaire, nous saurons nous aligner sur la performance de nos voisins. Il ne faut pas que de nouvelles distorsions viennent fausser la donne, par exemple les importations de poulets selon l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur.» L’écart de compétitivité avec les Brésiliens – chiffré par LDC à 36% sur un poulet standard – serait en effet trop important à combler pour les industriels français.
Reste à dessiner une nouvelle offre pour rattraper nos voisins européens, avec une production dédiée au cœur de marché et une autre plus haut de gamme. Paul Lopez préconise un plan d’investissement de 2 milliards d’euros. La moitié de cette somme serait consacrée à la construction d’un nombre restreint de grands abattoirs exclusivement dédiés au poulet standard ; l’autre moitié servirait à la construction de 300 poulaillers sur le territoire d’ici à 2030.
Des difficultés d'installation qui persistent
Car «il n’y aura pas de poulets français sans poulaillers», rappelle Arnaud Poupard-Lafarge, soulignant l’interdépendance entre les industriels et le monde agricole. Problème, les professionnels se plaignent souvent des difficultés à installer de nouveaux élevages. Fin juin, lors d’une conférence de presse, la Coopération agricole, représentant la coopérative Vivadour, très présente dans le Sud-Ouest, annonçait renoncer à porter des projets de poulaillers de plus de 40000 volailles.
Vous lisez un article de L'Usine Nouvelle 3734 - Septembre 2024
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